Françoise Hostalier : il y a des quartiers où on ne se sent plus en France, c'est inquiétant pour l'intégration

Riposte Laïque : Vous venez de déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi, « visant à interdire le port de signes ou de vêtements manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, politique ou philosophique à toute personne investie de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou y participant concuremment ». Pourquoi, selon vous, faut-il légiférer de manière plus précise, quelles seraient les failles actuelles de notre système juridique ?
Françoise Hostalier :
Des incidents récents et semble-t-il de plus en plus nombreux, imposent de redire fermement certaines règles du vivre ensemble dans notre République, laïque, démocratique et républicaine.
La montée de différents communautarismes, l’affichage de comportements culturels contraires à nos valeurs fondamentales risquent d’amener de graves problèmes dans notre société.
Sans réponse claire basée sur ces valeurs fondamentales, rappelant le respect de chacun, et rappelant au respect de chacun, nous irons vers des débordements de plus en plus nombreux et forcément vers des affrontements.
La loi sur les signes religieux ostentatoires à l’école, qui avait fait couler tant d’encre, que l’on avait annoncée comme explosive, est en fait très bien appliquée et a permis de pacifier les établissements scolaires.
Dans l’idéal, on pourrait se dire que si la laïcité est comprise, acceptée et appliquée à l’école, elle devrait alors couler de source dans tout autre lieu public. Mais ce n’est pas le cas. C’est pourquoi, il m’a semblé qu’il fallait émettre de manière explicite, les mêmes principes dans des lieux publics importants de notre vie sociale.
Il y a des fonctions, c’est évidemment le cas des fonctionnaires, pour lesquelles les règles sont parfaitement définies. Mais il peut y avoir des cas de professions ou de statuts assimilés qui demandent à être clarifiés par la loi. C’est l’objet du premier article de mon texte.
Riposte Laïque : L’an passé, vous avez fait partie des signataires de la pétition impulsée par Michèle Vianès et Riposte Laïque, demandant l’interdiction de la burqa, du voile à l’université et pour les mineures. Jacques Myard propose, dans une autre proposition de loi, d’interdire le voile intégral en France. Sentez-vous vos collègues députés sensibles aux inquiétudes que l’un et l’autre exprimez ?
Françoise Hostalier :
Oui, et de tous bord politique. Les Députés sont très souvent aussi des élus locaux et en tous cas, ils ont des retours des électeurs de leur circonscription.
Il y a des quartiers où l’on ne sent plus en France et il faut le dire, y être attentif. Notre société est basée sur l’intégration et le partage de nos valeurs fondamentales qui se traduisent dans un style de vie. Ce qui est en train de se passer choque de plus en plus de Français de souche. Par ailleurs, la France doit rester un pays d’accueil pour une immigration régulée. C’est un autre débat mais tout est lié. Et la montée du communautarisme met de nombreux émigrés qui ne demandent qu’à s’intégrer, en porte à faux.

Au niveau de mes collègues, et surtout depuis le nouvel incident au sujet de la Marseillaise encore une fois sifflée sur un stade, je commence à entendre un discours assez dur. D’où la nécessité de repositionner clairement quelques repères.
Riposte Laïque : Pensez-vous que sur le sujet de la laïcité et de la République, un consensus soit possible, au Parlement, entre la gauche et la droite ?
Françoise Hostalier :
Oui, depuis les débats qui ont précédé le centenaire de la loi et la nécessité de reposer certain principes qui nous semblaient acquis et évidents, les élus mesurent davantage leur responsabilité dans ce domaine. Je suis certaine que l’on peut arriver à un consensus ; avec un peu de pédagogie !
Riposte Laïque : Que répondez-vous à ceux qui vous disent que votre proposition de loi, comme celle du 15 mars 2004 contre les signes religieux à l’école, ne vise qu’une seule religion, l’islam ?
Françoise Hostalier :
Elle ne vise pas une religion, ni l’Islam ni une autre, elle vise des comportements. C’est très différent. Cela s’applique à la maman qui, dans une école vient chercher son enfant avec une grande croix visiblement provocatrice, ou à celui ou celle qui porte un signe politique trop visible et donc également provocateur. Cette proposition de loi s’adresse à tout prosélytisme religieux, philosophique ou politique. Chacun a le droit de penser ou de croire à tout ce qu’il veut, mais pas de l’imposer aux autres. Si je me rends dans un lieu de culte ou dans un lieu d’organisme philosophique, c’est de ma propre volonté et je dois en respecter les rites, voire les pratiquer. Mais dans un lieu public, personne ne doit subir la pression d’une religion ou de toute autre conviction politique ou philosophique.
Pour en revenir à l’Islam, Il faudrait que les musulmans eux-mêmes réagissent. Le port de vêtements comme le voile intégral, la burka ou autre. n’a rien à voir avec la religion musulmane. J’ai beaucoup d’amies musulmanes qui n’ont jamais rien porté sur leur tête, qui sont parfaitement intégrées, qui savent pratiquer leur religion en respectant les principes de la République et le mode de vie français.
Riposte Laïque : Qu’avez-vous pensé du verdict en appel de l’affaire du gîte des Vosges. Pensez-vous normal qu’elle ait été condamnée à 2 mois de prison avec sursis, et à 4000 euros de dommages et intérêts, pour discrimination religieuse ? Comment, selon vous, protéger les Fanny Truchelut de demain face à ce type de plaintes ?
Françoise Hostalier :
Je suis vraiment scandalisée par cette affaire et surtout de voir que des associations qui se prétendent défenseur des Droits de l’Homme, se sont portées partie civile contre Fanny Truchelut. Je suis justement très inquiète des dérives de notre justice et de certains comportements « officiels » qui sont en contradiction avec la laïcité. Quand on reporte un procès parce qu’un prévenu fait le Ramadan et qu’il risque d’en être fragilisé devant les juges … c’est scandaleux. Quand on accepte dans un centre social qu’il y ait des soirs pour les filles et des soirs pour les garçons, idem pour les piscines, c’est scandaleux ! Cela n’a rien à voir avec la religion, c’est un problème de comportement provocateur qui veut imposer, en France, un mode de vie qui n’est pas le nôtre.
Nous avons le devoir de résister et c’est ce que la Halde n’a pas compris.
Riposte Laique : Que pensez-vous, en tant que laïque sincère, du signe de croix de Nicolas Sarkozy, à Latran, alors qu’il représente, en tant que président de la République, l’ensemble des Français, croyants ou non-croyants ?
Françoise Hostalier :
Cela me choque. Que le Président de la République aille à la messe ou ailleurs en tant que pratiquant ; cela ne regarde que lui et il doit exiger que cela ne soit pas médiatisé. Cela fait partie de sa vie intime. Mais s’il assiste à une cérémonie religieuse en tant que Président de la République, il doit rester neutre et ne pas pratiquer les rites propres à l’expression de la croyance de cette religion.
Cependant, bien entendu, quand on assiste à une cérémonie religieuse, il y a un comportement respectueux à avoir. Par exemple, j’ai souvent assisté à des cérémonie musulmanes ; dans ce cas, évidemment, je ne pratique pas les prosternations mais je reste debout, respectueusement. De même dans une église, je ne fais pas le signe de croix, mais je m’incline, respectueusement. Les religions font partie de la vie sociale, je les respecte toutes, dans leurs fondements.
Qui pourrait être contre l’appel à l’amour universel, la générosité, l’aumône, la sobriété dans tous les domaines, la vertu, la paix… ce sont seulement les intégrismes qu’il faut combattre, tous les intégrismes, dans toutes les religions. Quel rapport entre les Talibans et la religion musulmane ? Quel rapport entre la religion catholique et l’Opus Dei ? Pour moi, aucun ! Les extrémismes se servent de la religion pour mener des actions politiques contraires aux principes de la démocratie, aux Droits de l’Homme et à la liberté de conscience.
La seule manière de les combattre c’est d’imposer d’abord l’instruction et l’éducation à la démocratie et de permettre que toutes les opinions s’expriment, partout dans le monde. Le port de contraintes vestimentaires pour les femmes musulmanes est comparable à l’excision. Cette mutilation ignoble est maintenant interdite dans la plupart des pays où elle était pratiquée et reconnue comme n’ayant rien à voir avec la religion musulmane. Il doit en être de même avec les contraintes vestimentaires.
Riposte Laique : Que comptez-vous faire pour populariser, dans l’opinion publique, votre proposition de loi ?
Françoise Hostalier :
En parler le plus possible pour qu’elle soit une sorte de catalyseur permettant le débat et la prise de conscience qu’il y a un problème.
J’espère qu’elle sera reprise dans des textes de loi (loi, décret ou circulaire) afin de clarifier l’aspect laïque de notre république. Je rappelle que beaucoup de pays, notamment de pratique anglo-saxone, regardent notre modèle laïque avec intérêt et souhaitent s’en inspirer pour endiguer des pratiques contraires aux valeurs de conventions internationales qu’ils ont pourtant signées. Le modèle laïque français les intéresse ; à nous de ne pas le dénaturer !
Riposte Laïque : Ressentez-vous, aujourd’hui, dans votre circonscription, des signes inquiétants de la progression du voile dans la rue ? Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ?
Françoise Hostalier :
Dans ma circonscription, je n’ai pas de manifestation particulière à ce niveau. C’est une circonscription plutôt rurale dans les Flandres, au nord de Lille. Mais je note une montée des mouvements flamands xénophobes (belges et français) qui sont sans aucun doute en lien avec celle d’ expression et d’exigences nouvelles de la religion musulmane dans notre région.
Par contre, à l’évidence, sur la métropole lilloise, notamment dans quelques quartiers, cette expression d’intégrisme religieux devient une véritable provocation. Prendre le métro à la station Wazemmes est un dépaysement que même Alger ou Casablanca ne connaissent pas !
Propos recueillis par Pierre Cassen

image_pdfimage_print