Bernard Hugo, maire PCF de Trappes (1966-1996) : je confirme que Malandain a été élu en 2001 grâce au vote musulman

Riposte Laïque : Tu as été maire de Trappes de 1966 à 1996. Quel regard portes-tu sur les évolutions de cette ville où tu t’es tant investi ?
Bernard Hugo :
Un double regard.
D’abord positif car la ville a profité de crédits importants avec le GPV (Grand Projet de Ville) conclu en 2000 dans le cadre de la politique du Ministère de la Ville avec l’Etat, le Conseil Régional, le Conseil Général et la Communauté Urbaine de Saint-Quentin-en-Yvelines par Trappes et sa voisine La Verrière. Des crédits, pour lesquels nous nous sommes battus pendant plusieurs mandats et qui, finalement, ont été signés par mon successeur Jacques Monquaut, mais dont le nouveau Maire a profité.
Une équipe de techniciens payés par l’Etat a été également mise en place pour travailler sur les améliorations à apporter. Des travaux importants de voirie, de réhabilitation de construction d’immeubles et équipements publics, dont certains étaient programmés et étudiés bien des années avant mais n’avaient pu être menés à bien faute de moyens, ont été réalisés. Tant mieux puisque cela améliore la vie des Trappistes.
Mais aussi négatif car le Maire –qui comme sa première adjointe d’ailleurs, ne demeure pas à Trappes – considère que rien de positif n’existait avant son arrivée. Or Trappes, qui a connu naturellement les problèmes des banlieues ouvrières souvent défavorisées, est une ville qui est passée de 5.000 à 30.000 habitants pendant mes 6 mandats et était de fait le centre de toute la région, constituant aujourd’hui la ville nouvelle de St-Quentin-en-Yvelines, la ville la mieux équipée socialement, culturellement et sportivement.
La démocratie participative était en place avec des commissions élargies, le Conseil Municipal se déplaçait de quartier en quartier pour étudier avec les citoyens les grandes options d’aménagement. Chaque conseil avait à l’ordre du jour une question importante sur laquelle chaque citoyen pouvait intervenir. Cinq zones d’activités avec la création de milliers d’emplois ont été réalisées sur mon initiative.
Mais la Taxe professionnelle, tant d’actualité aujourd’hui, a été versée par les entreprises essentiellement aux 11 puis 7 communes de l’agglomération nouvelle. De fait, c’est Trappes qui a payé pour une bonne part la construction des équipements publics et souvent à ses dépens. Et ce qui m’horripile aujourd’hui et beaucoup de Trappiste avec moi, c’est l’obstination du Maire d’appeler notre ville Trappes-en-Yvelines et d’apposer partout cette appellation qui en fait n’est aucunement officielle mais est un slogan politique qui, sous prétexte de changer l’image de Trappes, nie la réalité ouvrière de notre ville, toute l’activité et les réalisations municipales depuis 1929, date de la première municipalité communiste, donc notre passé dont nous n’avons pas à rougir. Mon propre slogan « Trappes la ville qui bouge », sans doute parfois un peu trop, me semble mieux correspondre à notre réalité locale !
Riposte Laïque : En 2001, le Parti communiste a perdu les élections municipales, battu par une liste menée par Guy Malandrain. Quelle est ton analyse sur les raisons de cette défaite ?
Bernard Hugo :
Battu de 200 voix par une 2ème liste de gauche conduite par Guy Malandain, plus adhérent du Parti socialiste officiellement avant les élections ! Il n’avait pas l’investiture des partis de gauche soutenant tous la liste conduite par Jacques Monquaut, marie de gauche sortant. Mais cette victoire a été aussi le résultat d’une manœuvre de la droite locale qui a vu là la possibilité de se débarrasser des Communistes à la direction de la ville. L’examen des résultats de la liste de droite le démontre : la 2ème liste de gauche, conduite par Guy Malandrain, a gagné les voix perdues par la droite qui elle n’avait aucune chance de l’emporter. Depuis plusieurs mandats, il y avait des socialistes ou assimilés élus sur la liste conduite par un Communiste. Aujourd’hui, il y a des Communistes ou assimilés sur la liste du Maire redevenu Socialiste.
D’autres raisons bien sûr : Le nombre de logements sociaux, dont beaucoup imposés par le Préfet (70 %) où s’accumulent les difficultés. Le nombre important de familles immigrées et la main mise sur celles-ci et les jeunes tout particulièrement par des intégriste musulmans. La dégradation des logements malgré les réhabilitations réalisées. L’augmentation du chômage. Le développement d’une économie parallèle avec la drogue. Le poids des impôts communaux du fait de notre adhésion forcée à la ville nouvelle et de la perte importante des ressources nécessaires au bon fonctionnement des nombreux services et activités. Le développement de l’individualisme, malgré les efforts d’un nombre important d’associations actives, efficaces mais dépassées par l’ampleur des problèmes posés par la dégradation du niveau de vie, problèmes d’ailleurs pas spécifiquement trappistes !
Mon successeur n’avait pas eu le temps en 5 ans de forger son image de marque et manquait sans doute aussi de charisme par rapport à son prédécesseur qui lui, élu adjoint en 1959, avait été Maire pendant 30 ans.
Toutes ces raisons accumulées se sont ajoutées aux manœuvres politiques et la défaite du PC s’est faite par ces 200 voix manquantes, donc par 100 électeurs qui ont fait la différence.
Riposte Laïque : As-tu constaté, à Trappes, une montée des revendications islamistes, lors de ton mandat, ou dans les années suivantes ? Quelles étaient les principales demandes ?
Bernard Hugo :
Jusqu’en 1996 , fin de mon mandat de Maire, il n’y a pas eu de grosses demandes ni gros problèmes de sécurité, plutôt des questions de vandalisme , de respect du code de la route, de trafic de drogues, ; de petits larcins mais l’on sentait les tensions monter. Avec l’UMT (Union des Musulmans de Trappes) récemment créée des contacts sympathiques et efficaces s’étaient noués. D’ailleurs je réunissais régulièrement en mairie tous les responsables des diverses communautés religieuses pour voir comment résoudre certains problèmes pratiques mais aussi éviter des troubles lors de situations tendues comme pendant la guerre du Golfe.
La principale revendication des musulmans était alors la nécessité d’avoir un lieu de culte plus grand et la possibilité de tuer les moutons lors de la fête de l’Aïd à proximité de leurs résidences. Nous avons alors aménagé un vaste local de prière avec toutes les commodités dans le sous-sol aéré, chauffé et éclairé à l’italienne (fenêtres d’un côté ouvrant sur l’extérieur mais avec vue seulement sur un talus) d’une barre HLM au square de la Commune de Paris et organisé avec le concours du Service vétérinaire du département un abattoir à proximité conforme à la législation sanitaire.
J’avais également libéré chaque vendredi à proximité de leur local un vaste parking pour la grande prière du vendredi. A la cantine scolaire les menus avaient été aménagés pour les jeunes musulmans. Par contre nos efforts pour mélanger les jeunes des différentes ethnies dans les diverses activités de la ville (municipales ou associatives) n’ont pas été trop positifs car l’on sentait monter la pression des islamistes intégristes notamment certain iman pour le port du voile et la séparation des sexes et autres courants religieux.
Riposte Laïque : Concernant une construction de mosquées, il se dit que Guy Malandain aurait été plus conciliant que ton successeur à la mairie, Jacques Monquaut. Qu’en est-il ?
Bernard Hugo :
Jacques Monquaut a effectivement eu à faire face aux grosses difficultés que je commençais à pressentir. La principale revendication de l’UMT est devenue la construction d’une vraie Mosquée , la « cave » (dont j’ai parlé il y a un instant et la provocation de ce mot était évidente) ne suffisant plus pour accueillir les manifestations religieuses. Leur demande parut excessive : une mosquée pouvant accueillir 1500 fidèles avec l’aménagement d’une vingtaine de classes pour l’enseignement coranique. Le Conseil municipal favorable à la construction d’une crèche partagea la réserve du Maire, souhaitant même que la Mosquée fut plutôt construite au centre de l’agglomération, à Montigny-le-Bretonneux par exemple.
Evidemment toutes les communes de St-Quentin refusèrent au prétexte qu’ils n’avaient pas d’emplacements suffisants pour un tel projet et que les Musulmans étaient plus nombreux à Trappes ( ce qui est vrai car beaucoup de ces communes avaient refusé ou limité la construction des logements sociaux). Les enseignants de Trappes n’étaient pas très favorables à cette construction importante à côté de leur école. Certaines associations, beaucoup de citoyens et les habitants du quartier proche du terrain finalement retenu par le Maire au centre du quartier difficile des Merisiers (appartenant la Poste qui devait construire là un très grand centre de chèques postaux, projet abandonné en faveur de petits centres plus nombreux) freinaient également. La discussion avec les uns et les autres, notamment l’Union des Musulmans de Trappes, pour réduire le projet, trouver un terrain suffisant , l’aménager avec la place suffisante pour les parkings retardèrent la décision finale. Jacques Monquaut donna son accord pour 1000 places et 10 classes avec le centre cultuel.
Mais les élections de 2001 étant proches, Guy Malandain alors maire-adjoint à l’urbanisme et tête de la 2ème liste de gauche candidate subit de multiples pressions de l’Union des Musulmans et leur promit de donner très rapidement s’il était élu l’autorisation de construire une Mosquée de 2000 places avec une quinzaine de classes associées au centre cultuel, sur le dit terrain acquis pour cette destination et mis à leur disposition. L’UMT fit alors une vaste campagne en faveur de Guy Malandain, faisant inscrire 400 jeunes musulmans sur les listes électorales. Cette situation est aussi l’une des causes importante de l’échec (relatif) de la liste conduite par Jacques Monquaut et du succès de celle conduite par Guy Malandain.
Aujourd’hui après un certain retard du aux difficultés financières, la Mosquée est construite, évidemment avec les crédits de la communauté musulmane provenant de souscriptions et d’initiatives locales de l’UMT et dit-on de l’Arabie saoudite, loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’Etat oblige. La rumeur publique dit que l’UMT a reproché au Maire après son élection de ne pas tenir assez rapidement certaines promesses faites aux jeunes qui seraient déçus. Ce qui est certain, c’est que Guy Malandain, laïque convaincu, a refusé toute une série d’exigences comme les créneaux horaires de piscine réservés aux femmes et que son aura auprès de l’UMT serait en baisse… Va savoir !
Malgré les efforts de l’équipe municipale, les problèmes de vandalisme et de sécurité un moment en diminution réelle ont tendance hélas à se développer aujourd’hui de nouveau à Trappes-en-Yvelines. Et l’on peut craindre que la baisse des crédits aux collectivités locales avec la suppression de la taxe professionnelle et la crise financière ne permettront sûrement pas de tenir les engagements pris et le programme de construction ou réhabilitation des équipements publics nécessaires même si la ville se termine. D’ailleurs une ville peut-elle être achevée un jour ? Je ne le pense pas.
Propos recueillis par Pierre Cassen

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